Pourquoi être contre les brevets logiciels ?
On peut avancer que les brevets logiciels entravent l’innovation, que l’objectif premier d’un brevet : stimuler l’invention en protégeant les droits de l’inventeur est totalement perverti, puisque des brevets à large spectre sont accumulés par des entreprises en compétition incapables ou ne voulant pas travailler ensemble aux progrès du marché.
On pourrait prétendre que le logiciel est par nature différent des inventions palpables et d’autres innovations, et qu’il ne nécessite donc pas le même type de protections que les biens physiques. C’est certainement vrai.
On peut aussi argumenter comme Stephan Kinsella que le système des brevets fait partie d’un système qui est en train de pomper les finances de l’économie globale ( pour plus de 31 milliards de dollars).
Il serait également sensé de dire que le bien commun (encore faudrait-il s’accorder sur ce concept potentiellement dangereux) exige que les logiciels ne soient pas brevetables. Que le modèle de revenu de notre monde, où la valeur est tirée d’un système obsolète de brevets, a été appliqué à mauvais escient à une industrie qui n’a pas besoin de ces protections.
Certains experts militent pour un système de brevets limité, par exemple sur une durée de sept ans. Contre cette position, il suffit de constater que ces personnes ne prennent pas en compte la vitesse à laquelle travaille l’industrie du logiciel, pour laquelle une année est une éternité.
Tous ces arguments sont valides. Mais la meilleure raison pour laquelle on doit être contre les brevets logiciels est plus simple. Elle n’est pas dérivée de concepts philosophiques, de théorie du bien et du mal, ni de débat sur la promotion de l’innovation.
Cette raison est qu’il n’est pas raisonnable d’attendre du système de brevets actuel, ou de n’importe quel autre système destiné à l’améliorer ou le remplacer, qu’il permette de déterminer avec précision ce qui peut légitimement aspirer à être breveté, parmi la quantité astronomique d’innovations dans le domaine des logiciels. La plus petite des applications logicielles comprend des centaines, voire des milliers de décisions d’architecture ou de design qui pourraient être vues comme des inventions pouvant être brevetées par ceux qui recherchent agressivement des brevets à déposer.
Si, comme c’est actuellement le cas, même les éléments les plus simples sont brevetables ( achat en 1 clic, news-feed), le système ne sera pas capable de répondre à la demande. Et c’est bien le cas actuellement.
En plus de ce problème, la question de l’expertise est également à critiquer. Pour certaines des inventions proposées, il n’y a que quelques spécialistes qualifiés pour juger si un développement est suffisamment innovant pour justifier un brevet. Aucun de ces spécialiste ne sera engagé par un bureau des brevets. Et il faudrait en outre que ces personnes arrivent aux mêmes conclusions.
L’on doit donc en conclure que le système actuel, appliqué aux brevets logiciels, ne fonctionne pas, tout simplement, et qu’il n’y a pas de raison que cela change à l’avenir.
Il n’est donc pas possible d’être en faveur des brevets logiciels, quelle que soit votre position philosophique.
Cet article est adapté de Why I Am Against Software Patents, de Stephen O’Grady.