Si vous n’étiez pas encore convaincu de la stupidité des brevets logiciels, voici de quoi vous faire changer d’avis. Le
bureau des brevets des États-Unis a accordé à
Apple le brevet
D670713, qui donne donc à l’entreprise de Cupertino le droit exclusif sur le « tourner de page.»
Non, ce n’est pas une blague, vous avez bien lu : une entreprise possède le droit exclusif sur le tourner de page. Et le brevet est illustré de 3 figures qui démontrent de façon évidente la nouveauté cette invention !
Ça a commencé ce mercredi 3 août, par la publication d’
un article de David Drummond, Senior Vice President and Chief Legal Officer de
Google, décrivant ce qui d’après lui est
(…) une campagne hostile contre Android financée à l’aide de brevets douteux et organisée par Microsoft, Oracle, Apple et d’autres entreprises.
David Drummond y déclarait que l’achat des brevets de Nortel et Novell par un groupe d’entreprises et destiné à intenter des procès contre la plateforme
Android est anti-concurrentielle (« anti-competitive »). Ce qu’il a oublié de dire, c’est que ce groupe d’entreprises a offert à Google de participer à l’achat commun, et que Google a refusé, mais a essayé d’acheter ces mêmes brevets à lui tout seul, vraisemblablement pour les utiliser contre quelqu’un d’autre (pourquoi sinon).
Ces faits ont été
dévoilés sur Twitter par Brad Smith, avocat de Microsoft, et
confirmés par le porte-parole de l’entreprise de Seattle, Frank Shaw,
copie de mail à l’appui !
Google n’a sur le coup pas l’air très crédible, reprochant à ses concurrents une pratique qu’ils utilisent eux-mêmes. Rappelons par exemple que Google a
breveté en mars dernier le changement régulier de logos ou des pages d’accueil de sites web !
On peut avancer que les brevets logiciels entravent l’innovation, que l’objectif premier d’un brevet : stimuler l’invention en protégeant les droits de l’inventeur est totalement perverti, puisque des brevets à large spectre sont accumulés par des entreprises en compétition incapables ou ne voulant pas travailler ensemble aux progrès du marché.
On pourrait prétendre que le
logiciel est par nature différent des inventions palpables et d’autres innovations, et qu’il ne nécessite donc pas le même type de protections que les biens physiques. C’est certainement vrai.
Il serait également sensé de dire que le bien commun (encore faudrait-il s’accorder sur ce concept potentiellement dangereux) exige que les logiciels ne soient pas brevetables. Que le modèle de revenu de notre monde, où la valeur est tirée d’un système obsolète de brevets, a été appliqué à mauvais escient à une industrie qui n’a pas besoin de ces protections.
La seule différence que Blackboard a pu mettre en évidence dans le libellé de son brevet est la connexion unique (single login), et c’est vraiment trop peu !
Il s’agit d’une victoire complète de Desire2Learn, et, plus important encore, des défenseurs des logiciels libres, en particulier de
Moodle et
Sakai.
Mais le petit jeu n’est pas encore tout à fait terminé. Il reste à Blackboard plusieurs possibilités de se battre devant les tribunaux. Il serait cependant peut-être temps pour Blackboard de tout stopper, surtout que financièrement, l’affaire pourrait lui coûter cher. Voyons plutôt.
Blackboard
doit maintenant reverser à Desire2Learn les 3,3 millions de dollars de manque à gagner qui lui avaient été versés, avec des intérêts de 6%, qui se montent à environ 200'000 $. Pour une compagnie dont le bénéfice net pour 2008 a été de
2,8 millions de dollars, cette nouvelle n’est pas réjouissante !
Comme souvent, les seuls bénéficiaires de ce type de conflit sont les cabinets d’avocats, qui y ont certainement gagnés plusieurs millions de dollars.